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11 août 2017

ROUGEOLE, PEUT-ON VRAIMENT L'ERADIQUER ?

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La rougeole est une maladie virale qui refait parler d'elle. On la croyait en voie de disparition depuis la généralisation de la vaccination. Mais voilà que des épidémies localisées refont surface en Europe et en France en particulier. Pourquoi cet échec partiel et pourra-t-on vraiment voir disparaitre ce virus un jour ou l'autre ?

 



Petit rappel historique


La rougeole est une maladie infectieuse qui est connue depuis des siècles. Les premiers écrits connus qui la décrivent au 10ème siècle sont l’œuvre d’un médecin et philosophe Persan, Rhazès, qui la qualifie de maladie plus redoutée que la variole. Elle aurait été introduite ensuite en Europe lors de l’invasion sarrasine. Les conquistadors l’apportèrent avec eux à leur tour (comme la variole et le typhus) chez les Amérindiens au début du 17ème siècle. Sa description précise est due à la même période au médecin anglais Sydenham qui l’a dissocié de la scarlatine. Elle a été dénommée « première maladie » parmi la famille de toutes les autres maladies éruptives (rubéole, scarlatine, roséole...).

Le virus de la rougeole a été isolé à Boston en 1954. Les premiers vaccins contre la rougeole ont été réalisés aux USA peu après la découverte du virus. Ce sont actuellement des vaccins vivants atténués par passages successifs sur leurs milieux de culture.




Comment se manifeste ce virus chez l'homme? 


Le virus de la rougeole est un virus à ARN qui appartient à la famille des paramyxovirus. Il n’est pathogène que pour l’homme. Les différentes souches de virus étaient jusqu'à présent stables et sensibles aux mêmes anticorps quel que soit la souche. Ceci  semble ne plus être le cas comme nous le reverrons. Il n’y a pas de porteurs sains du virus. Le seul « réservoir » de virus est donc le sujet malade

La contagiosité est très forte, survenant lors d’un contact direct avec un malade, par voie aérienne (gouttelettes de salive, secrétions nasales…), plus rarement par contact avec une surface contaminée où le virus ne survit quelques heures. Ce  virus est sensible à la chaleur et aux détergents. Une personne malade peut contaminer entre 10 et 20 personnes non immunisées. Les cas groupés sont de survenue plus importante en hiver et au printemps.

La période d’incubation entre le contact avec le sujet malade et l’apparition de la maladie est de 10 à 12 jours. La première phase dite « pré-éruptive » ressemble à une forte rhino-pharyngite très fébrile (rhume, toux, conjonctivite, fatigue…) et dure 2 à 4 jours. L’éruption apparait ensuite, 14 jours en moyenne après le contage. Elle a une évolution descendante, débutant souvent derrière les oreilles et au visage, et dure 5 à 6 jours. La contagiosité commence la veille de l’apparition des premiers signes et dure jusqu’à 5 jours après le début de l’éruption. Des formes atténuées peuvent être observées chez des patients possédant une immunité incomplète: patients ayant reçu des immunoglobulines à visée prophylactique après un contage rougeoleux, nourrissons avec une persistance partielle des anticorps maternels, sujets vaccinés de longue date.

La rougeole de l’adulte non immunisé est caractérisée par une éruption intense, la présence plus fréquente de signes gastro-intestinaux, musculaires, articulaires et d’atteinte hépatique. Le risque de complication est plus élevé. Chez une personne immunodéprimée (surtout chez les patients porteurs d’un déficit de l’immunité cellulaire), la rougeole a une expression clinique sévère et prolongée. L'éruption peut être absente. Sur un tel terrain, les complications entrainent souvent un décès.


En cas de doute diagnostique, une recherche d’ARN du virus par la technique de la PCR peut être réalisée (salive et secrétions nasales surtout, sang et urines) ou recherche d'anticorps IgM (anticorps les plus précoces) dans la salive ou le sang. Une déclaration à l’ARS (Agence régionale de Santé) est obligatoire depuis 2005. L'exhaustivité de cette déclaration n'avait cependant été estimée qu'à 50% lors de l’enquête de séro-prévalence menée en 2013 par l’INVS (Institut national de veille sanitaire) chez les donneurs de sang.


Quand ça se complique :


Le virus de la rougeole entraine une diminution des défenses immunitaires durant 4 à 7 semaines du fait de la destruction de certains globules blancs. Cette baisse de l'immunité transitoire explique la survenue de surinfections bactériennes ORL et respiratoires. L’immunodépression est plus prolongée chez le nourrisson ou chez l’adulte et plus grave dans les populations souffrant de malnutrition. Chez les femmes enceintes, elle peut également entraîner des fausses-couches ou des accouchements prématurés.

Les principales complications de la rougeole [1] sont des otites (3-5%) et des infections pulmonaires (1-7%), surtout chez le jeune enfant et des encéphalites aiguës (0,2-0,3%) plutôt chez l’adulte. Une étude Suisse a montré que le risque de complications passait de 6,6 % chez les enfants âgés de 1 à 4 ans à 24,3 % chez les adultes [2]. Enfin, une forme exceptionnelle (1/100.000 cas) d’encéphalite chronique (PESS ou panencéphalite sclérosante subaigüe) et d’évolution toujours mortelle, peut survenir environ 7 ans après l’épisode de rougeole.

Les causes principales de décès sont donc la pneumonie chez l’enfant et l’encéphalite chez l’adulte. Outre une pathologie associée déprimant l'immunité (de façon congénitale ou acquise), les facteurs qui majorent le risque de décès sont la malnutrition, en particulier quand il existe une carence en vitamine A, et la promiscuité, ainsi que l’âge (enfants de moins de 1 an ou de plus de 10 ans)[3]. 

Dans les pays en voie de développement, la létalité de la rougeole est beaucoup plus élevée, variant entre 30 et 60/1000 rougeoles du fait de dénutrition pré-existante, une hygiène imparfaite avec une promiscuité courante et un système de santé en sous effectif. Selon l'OMS, la mortalité liée à cette infection aurait régressé, entre 2000 et 2017 de 750.000 à 197.000 par an dans le monde.

La mortalité est bien plus faible dans les pays industrialisés, 0,1 à 0,2 cas pour 1000 aux USA. Ce pays s'enorgueillissait en 2014 de ne plus avoir enregistré de décès depuis 10 ans. En Angleterre et au Pays de Galles, des données sur les cas notifiés entre 1971 et 1988 ont montré des taux de létalités de 0,43/1000 chez les nourrissons de moins de 1 an, de 0,10/1000 chez les enfants de 5-9 ans et de plus de 0,85/1000 chez les sujets âgés de 20 ans et plus [4].



Comment évolue la rougeole au fil du temps ?

Au début du siècle dernier, la rougeole était encore une maladie grave puisque l'année 1906, elle était responsable en France de 3754 décès. Au fil des ans, cette létalité s’est amenuisée et ceci probablement grâce à l’amélioration des conditions de vie (nutrition, amélioration de l'habitat et des conditions d'hygiène, accès à l'eau potable, progrès médicaux…). On ne notait plus que 217 décès annuels en 1950 et 25 en 1970. En 1983, donc juste au moment du lancement de la recommandation vaccinale, on ne comptait plus que 20 décès annuels, alors que la population avait augmenté de 33%[5]. En Grande Bretagne, juste avant que la vaccination des enfants ne soit mise en place, la létalité était comparable, située entre 0,1 à 0,2/1000 à la fin des années cinquante[6].




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La rougeole était devenue historiquement une maladie de l’enfance, fréquente car très contagieuse certes, mais qui à l’époque s’était transformée en une infection obligatoire, considérée comme bénigne, provoquant, dans une population en bonne santé, sans carences alimentaires, une létalité environ 100 fois inférieure à celle de la tuberculose, et ce malgré un nombre important de cas, de 400.000 à 500.000 par an [7].



Décès déclarés liés à la rougeole en France 1964-2013


Les autorités sanitaires françaises décidèrent cependant en 1983 de recommander la vaccination de tous les enfants par le vaccin anti-rougeoleux, suivant en cela l’exemple de la politique vaccinale déjà mise en place aux États-Unis. Cette décision avait en fait anticipé la décision de l’OMS en 1996 de mettre en route une vaccination généralisée de tous les pays avec le désir d’éradiquer définitivement ce virus dont l’homme est le seul porteur. Les incitations officielles répétées ont abouti à une augmentation lentement progressive du nombre d'enfants vaccinés et une diminution contemporaine du nombre annuel de rougeoles recensées sur le territoire.

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Incidence de la rougeole 1988-2003 (Réseau Sentinelles)
La surveillance de l’évolution de la rougeole en France a été confiée à partir de 1985 à un "Réseau Sentinelles" d’environ 300 médecins généralistes répartis sur tout le territoire. Ils avaient à notifier chaque semaine, les cas de rougeole sur des critères essentiellement cliniques. Ainsi, seuls les cas vus en médecine générale étaient rapportés. Une extrapolation mathématique donnait ensuite une fourchette estimative du nombre de cas survenant chaque année. L’incidence annuelle estimée à partir de ces données a chuté de plus de 300.000 cas par an en 1986 à 10.500 cas en 2003 correspondant à un taux d’incidence de 16 cas pour 100.000/habitants [8]

Ceci s’est accompagné cependant d’un recul progressif de l’âge de survenue de la maladie, avec une proportion de sujets âgés de plus de 10 ans plus importante, le risque de contamination devenant de plus en plus rare avec la majoration progressive du nombre de jeunes enfants vaccinés. La proportion de rougeoles chez l'adulte eut alors tendance à se majorer, ce qui pose problème comme on le reverra.  

Les complications neurologiques recensées en France par les laboratoires de virologie du "réseau Rénaroug" ont également diminué parallèlement. Le nombre d’encéphalites aiguës est passé de 20 à 30 cas au début des années 80 à moins de 5 cas en 1995-96. Le nombre de PESS notifiées a également décru, passant de 25 cas en 1980 à 3 en 1996.

Le trop faible nombre de cas de rougeoles recensées par le Réseau Sentinelles au fil des ans a fait abandonner cette surveillance qui était devenue obsolète. Celle-ci a donc fait l’objet d’une déclaration obligatoire à partir de 2006 sous l’égide de l’INVS.

Une période de calme, de "lune de miel" occasionnée par le nombre croissant de nourrissons vaccinés (90% avaient reçu une première dose de vaccin ROR à 2 ans en 2007) est donc survenue à cette période, avec par exemple 40 cas déclarés cette même année (sachant qu'une sous-notification reste probable malgré le caractère théoriquement obligatoire des déclarations).

Mais l'incendie du virus rougeoleux n'était pas totalement éteint. L'année suivante, le nombre de cas augmente brutalement avec 604 cas déclarés. Entre 2008 et 2012, une "flambée épidémique" surviendra à partir du sud-est de la France, avec un pic d'un peu plus de 15.000 cas recensés l'année 2011. Depuis 2013, le nombre de cas connus reste stable aux alentours de 300 cas annuels. Lors de cette épidémie, ce sont surtout les nourrissons de moins d'un an (qui n'ont pas eu le temps d'être vaccinés) qui sont touchés puis les adultes non vaccinés ou ayant reçu une vaccination devenue inefficace. 

Cette résurgence épisodique de cas groupés de rougeole n'est pas une exclusivité de la France puisque le virus de la rougeole ne connait pas de frontières. Depuis 5 à 6 ans, plusieurs autres pays européens (Roumanie surtout et Italie, mais aussi Allemagne, Autriche, Pologne, Belgique et Grande-Bretagne) voient survenir par intermittence des petits foyers épidémiques. Les autorités sanitaires ne savent mettre en cause que le taux insuffisant de ce qui est appelé la "couverture vaccinale", prétendant qu'un pourcentage d'au moins 95% de la population devrait être vacciné pour assurer une immunité de groupe et éviter ces vagues successives de noyaux d'infections. Pourtant, selon l'OCDE, parmi ces pays touchés, la plupart dépassait cette ligne rouge (97% pour l'Allemagne, 96% pour la Pologne, l'Autriche, la Belgique, 95% en Grande-Bretagne) contre un taux un peu plus bas, 91% en 2015, pour la France. Il est donc facile de se rendre compte que cette "dead line" magique de 95%, répétée comme une mantra par les autorités sanitaires, n'est qu'une donnée mathématique théorique méconnaissant les données de la vraie vie avec en particulier les déplacements et migrations qui se multipilent. La Finlande, grâce à une couverture vaccinale de 97-98 % pour 2 doses depuis plus de 20 ans, a atteint l’objectif d’élimination de la rougeole. Le relatif isolement de ce pays où la température extérieure invite peu la population à prendre des bains de foule et où le tourisme et l'immigration ne sont pas forcément intenses peuvent faire penser que le "cocooning" protège de contacts à risques de rougeole et peut expliquer cette situation à part, mais pour combien de temps ?

Ces poussées épidémiques entrainent des propos catastrophistes qui se répètent à chaque fois que des cas de rougeole resurgissent. Le nombre de décès est mis en avant dans les médias et exploité par la Ministre de la Santé comme un argument majeur mais falsifié qui a fini par justifier la mise en place d'une obligation vaccinale. «Aujourd'hui, en France, la rougeole réapparaît. Il n'est pas tolérable que des enfants en meurent: dix sont décédés depuis 2008 » (le Parisien du 15 juin 2017). En fait le chiffre exact de décès enregistrés par le CépiDc-INSERM pour la rougeole depuis 2008 était de 16, avec une proportion plus importante d'adultes (12/16). Un seul enfant de moins de 15 ans était alors décédé et non pas 10... L'INVS déclare par ailleurs que parmi ces 10 décès qu'elle recense elle-même, 7 personnes présentaient un état d'immunodépression antérieur.


Nombre de décès attribués à la rougeole, période 2008-2014, selon l'âge


Ces chiffres de létalité paraissent bien sûr élevés pour une maladie considérée comme bénigne. Ceci peut être le résultat d'un nombre de cas réel sous-estimé malgré l'obligation de déclaration. Mais on ne peut surement pas attribuer à la rougeole d'être en France la première cause de mortalité infantile d'origine infectieuse. De plus, comme il a déjà été dit, les complications de la rougeole sont plus fréquentes et graves chez l'adulte et les personnes atteintes d'une immunodépression. En effet, il n’y a aucune raison que la rougeole soit plus grave aujourd’hui chez l'enfant qu’elle ne l’était il y a cinquante ans. Seule exception, conséquence de la vaccination de masse, le nourrisson de moins d'un an qui ne peut quasiment plus bénéficier du passage trans-placentaire des anticorps maternels. En effet, presque toutes les mères qui ont été vaccinées dans leur prime enfance ne possèdent plus que des taux sériques d'anticorps faibles ou nuls, 20 ou 30 ans plus tard.



Quid de la vaccination ?


Les premiers vaccins ont été testés aux USA dès l'isolement du virus en 1954. Ce fut à partir de souches de virus vivants atténués dont la première avait été baptisée "Edmonston". Ces premiers essais donnaient lieu à des réactions virulentes. Une tentative de vaccin par virus tué fut également un échec, déclenchant des rougeoles atypiques. Et ce n'est qu'après la culture prolongée par plus de 80 passages de la souche virale vivante qu'une souche atténuée, baptisée "Schwartz" a permis d'avoir accès à un vaccin vivant suffisamment atténué et plus tolérable. Cette souche a d’abord été utilisée en France dans un vaccin isolé contre la rougeole (Rouvax Sanofi-Pasteur). Les deux autres vaccins actuellement disponibles sont des vaccins trivalents (rougeole-oreillons-rubéole) contenant soit la souche "Edmonston Enders" (MMRVaxpro du laboratoire MSD Vaccins), soit la souche "Schwartz" (Priorix du laboratoire GSK). Ce vaccin est très sensible à la chaleur et la chaine du froid doit être soigneusement respectée.

Le vaccin contre la rougeole (Rouvax) a été mis sur le marché en France en 1966 mais n'est désormais plus accessible, n'étant visiblement plus rentable pour son fabricant. Il avait commencé à être recommandé, seul en 1983, puis sous forme associée à la rubéole (Rudi-Rouvax), puis associé aux vaccins contre oreillons et rubéole en 1986. Une deuxième injection vaccinale a été instituée à partir de 1997, motivée par la stagnation du nombre de cas répertoriés de rougeole, attribuée à l'existence de certains enfants "mauvais répondeurs".

La vaccination est pas ou peu efficace durant au moins les 6 à 9 premiers mois de vie, du fait de la persistance des éventuels anticorps maternels transmis. Cependant ces anticorps maternels induits par la vaccination persistent moins longtemps chez le nouveau-né (titres plus faibles chez la mère) que ceux acquis après la maladie rougeole où ils persistent toute la vie. Les taux de séroconversion après une dose sont autour de 75 % pour les enfants vaccinés à 6 mois, 90 % pour les enfants vaccinés à 9 mois, 95 % pour les enfants vaccinés à 12 mois et 98 % pour les enfants vaccinés à 15 mois [1]. L’instauration d’une seconde dose n’a pas l’effet d’un rappel vaccinal puisque les virus atténués vaccinaux sont immédiatement détruits par les anticorps apparus après la première dose vaccinale. Cette seconde injection n’a pour objectif théorique que de  « rattraper » les non-répondeurs (5 à 10% de la population infantile) à la première dose et d’approcher au mieux le taux de couverture vaccinale (95%) qui est estimé, de façon purement théorique, comme étant le taux minima à la disparition de circulation du virus sauvage. Ce "rattrapage" parait être efficace chez 80 à 94% d’entre eu [9]. Cependant le taux d’anticorps atteint après une seconde vaccination est environ dix fois inférieur à celui obtenu après une première dose et, plus les deux injections sont rapprochées, plus la concentration en anticorps diminue rapidement et risque donc de s’évanouir au fil du temps [10].

Le vaccin ROR est un vaccin assez bien toléré [11]. Il occasionne assez souvent un épisode fébrile de quelques jours survenant environ une semaine après l'injection, cet épisode fébrile s'accompagne parfois d'une éruption évoquant une rougeole à minima. Un épisode de convulsion hyperpyrétique peut parfois accompagner une fièvre très élevée. L'apparition de cet épisode fébrile authentifie l'efficacité immunologique de la vaccination antérieure et devrait, si l'on était logique, autoriser à se passer de la deuxième injection de "rattrapage" éventuel qui est conseillée systématiquement (et sera donc inutile pour 90 à 95% des enfants ayant répondu à la première injection).

Ce vaccin peut également parfois occasionner, dans les 6 semaines qui suivent, une baisse des plaquettes sanguines qui reste transitoire mais peut se prolonger plusieurs mois. 

L'effet secondaire qui a occasionné une polémique importante est le lien possible du ROR avec l'apparition secondaire de symptômes d'autisme. Ceci a démarré lors de la parution en 1998 par le britannique Andrew Wakefield d'une étude publiée dans la revue "The Lancet"[12]. Il émettait l'hypothèse de l'apparition de troubles autistiques associés à des troubles digestifs chez certains enfants (12) ayant reçu une vaccination triple ROR quelques semaines auparavant. Il s'appuyait pour cela sur la présence de l'ARN du virus rougeoleux retrouvé dans la paroi intestinale de quelques-uns d'entre eux, s'accompagnant de signes de "colite". Des enquêtes ultérieures révélèrent que cette recherche avait été entachée de manquements méthodologiques et déontologiques, via des conflits d'intérêts notables. La découverte de ces manipulations aboutit à la radiation de son auteur par l'équivalent britannique du Conseil de l'Ordre et la rétractation à postériori par le journal Lancet de son article. Tous les travaux épidémiologiques ultérieurs, réalisés dans plusieurs pays, n'ont retrouvé aucun lien épidémiologique entre une vaccination ROR et une plus grande fréquence de troubles autistiques [13-14-15-16-17].




Peut-on espérer une éradication possible de la rougeole ? 


La durée de l’immunisation post-vaccinale contre la rougeole serait transitoire, selon un modèle mathématique, de 25 ans en moyenne [18]. On peut cependant supposer que dans la plupart des cas, l’exposition au virus sauvage produit certainement un effet de rappel et prolonge la durée des anticorps spécifiques. Une baisse de la durée de protection induite par la vaccination est donc à craindre, en l’absence de ces rappels naturels, du fait de la baisse de l’effet d’expositions des personnes ainsi "revaccinées" au virus sauvage, celui-ci se raréfiant au fur et à mesure que la couverture vaccinale augmente. On parle donc déjà, aux USA, d'instaurer une 3ème dose vaccinale [19].

En raison de la plus faible circulation virale, le « Réseau Sentinelles » a observé une augmentation de l’âge moyen de survenue de la maladie, la proportion de cas de plus de 10 ans étant passée de 13 % en 1985 à 62 % en 2002 [20]. En 2010, la proportion de cas chez les personnes de plus de 20 ans était de 38%.

Le niveau de couverture vaccinale théorique à atteindre pour interrompre la transmission du virus de la rougeole et produire une immunité de groupe  a été estimé de façon purement mathématique à environ 95/96 % avec deux doses. Cette estimation a été réalisée à partir de données collectées en Angleterre et au Pays de Galles, avant l’introduction des vaccinations de masse, en émettant l’hypothèse que la proportion de sujets susceptibles ne variait pas dans le temps et que le vaccin était efficace à 100 %[21]-[22], données bien aléatoires. 

Comme on peut le voir ci-dessous, la France est en-deçà de ce taux théorique, mais le taux d'enfants vaccinés augmente progressivement au fil des ans (sans qu'il soit pour cela nécessaire de rendre cette vaccination obligatoire)




    Année       2010       2011      2012     2013      2014     2015
1ère dose       89,5        89,4       90,5      90,3      90,6      90,5
2ème dose     60,9        67,3       72      74,5      76,8      78,8
Pourcentage d'enfants vaccinés à 24 mois


Année scolaire   2002/2003  2005/2006  2012/2013
1ère dose                 93,2                 93,3            96,4   
2ème dose              28,1                 44,3             83,2 
   Pourcentage d'enfants vaccinés à 5/6 ans (G.S. Maternelle)


En fait, il est logique de penser qu'après la période initiale de "lune de miel" de la vaccination massive, des flambées mini-épidémiques vont continuer à survenir en Europe, comme un peu partout, jusqu’à ce que ces pays atteignent à nouveau un niveau d’immunisation suffisant (post-vaccinal et/ou post-rougeoleux) pour protéger transitoirement leur population et éviter ces cas de contagions regroupées. C'est ce qui s'est passé en France en 2007 où simplement 40 cas de rougeole avaient été signalés. On aurait pu croire à une quasi-éradication de cette maladie, puisque l'on considère qu'une incidence inférieure à 1 cas/1.000.000 d’habitants est un indicateur utilisé pour déterminer le statut d’élimination d'une infection dans un pays. Les années qui ont suivi n'ont cependant pas confirmé ce calme précaire comme nous l'avons vu.

En effet, à plus long terme, du fait de la fréquence accrue des voyages internationaux, du tourisme, de l'immigration, la circulation d'un virus très contagieux d'un pays à l'autre poursuit son chemin. C'est ce qui s'est passé en 2008, à partir d'un foyer de la population nomade "Rom", se déplaçant sur le territoire européen. Une contamination épisodique et périodique ressurgira ainsi dès que le vivier des personnes non immunisés remontera à un taux suffisant, associant les personnes non vaccinées (car un taux de vaccinés à 100% est illusoire), nourrissons de moins d'un an qui sont désormais nettement moins protégés par les anticorps maternels post-vaccinaux, anciens vaccinés adultes dont l'immunité s'est effilochée au fil du temps... Cette nouvelle vague de rougeole s'atténuera ou s'éteindra provisoirement ensuite dès que le pool de personnes "protégées" (vaccinés ou anciens rougeoleux) s'étoffera à nouveau.

Un autre phénomène vient contrarier, depuis 2017, cet objectif d'éradication du virus morbilleux. Deux nouveaux phénotypes du virus, la souche D8 et la souche B3, importée d'Afrique puis d'Europe Orientale, viennent expliquer la réémergence mondiale de la rougeole qui défraye la chronique en pointant du doigt les populations non vaccinées. Ces clones se montreraient encore plus contagieux que les autres génotypes et plus pathogènes que les génotypes classiques H1, D4, A et C2 (des Pays-Bas), qui était endémique en Europe avant 2007. Les titres en anticorps neutralisants post-vaccinaux se révèlent par ailleurs plus faibles pour ce génotype B3 que pour ses concurrents [23]. Ceci explique les "échecs secondaires" survenant dans des pays à taux de couverture vaccinale très élevée (Portugal, Mongolie...). Ces personnes bien vaccinées, même si elles possèdent un taux d'anticorps satisfaisant contre les seuls virus classiquement rencontrés auparavant, ne seront pas protégés contre ces nouveaux clones viraux. 

L'éradication de la rougeole, rêvée par l'OMS et déjà repoussée à deux reprises, n'est donc pas pour demain. Ce n'est pas la fameuse "couverture vaccinale" magique qui, en se déployant à des taux considérés comme suffisants par les tenants de "l'immunité grégaire" sera ici l'arme fatale. Rappelons-nous de l'éradication de la variole. Les campagnes de vaccination massive ont été un échec prolongé. C'est finalement la tactique de surveillance-endiguement autour des foyers de personnes atteintes et une vaccination ciblée, d'encerclement en anneau, "ring vaccination" des personnes exposées, et leur isolement qui ont permis de faire disparaitre ce virus [24]. Cette stratégie a également été utilisée plus récemment en Guinée pour combattre l'extension du virus Ebola.


Pour la rougeole, en cas d'apparition localisée et sporadique d'un petit groupe de nouveaux cas, deux possibilités existent pour les contacts:

- soit une injection de gamma-globulines spécifiques en cas d'urgence (cas du nourrisson non encore vacciné car trop jeune), 
- soit une vaccination (ou revaccination) ciblée en cas de semi-urgence au delà de l'âge d'un an. Celle-ci pourrait s'adresser, en cas de vaccination trop ancienne ou incomplète (si besoin après prélèvement sérologique en cas de doute), aux contacts directs, les contacts des contacts et les agents de santé locaux des zones à risque d'expansion d'une flambée épidémique. L'isolement de cette population de contact est bien sûr souhaitable mais souvent difficilement gérable et applicable.

C'est ce que propose le Pr. Didier RAOULT, virologue du CHU de Montpellier, qui pense que cette stratégie actuelle de lutte contre la rougeole est dépassée et inefficace.



Dominique LE HOUÉZEC




[1] Parent du Châtelet I., Lévy-Bruhl D. INVS Surveillance de la rougeole en France. Bilan et évolution en vue de l’élimination de la maladie. 2004 
[2] Richard JL, Boubaker K, Doutaz M, Schubiger G. Déclaration obligatoire de la rougeole en Suisse : forte augmentation du nombre de cas au printemps 2003. Bulletin des médecins suisses 2003; 84, 1445-50
[3] Aaby P. Malnutrition and overcrowding/intensive exposure in severe measles infection: review of community studies. Rev Infect Dis 1988; 10(2):478-91
[4] Ramsay M, Gay N, Miller E, Rush M, White J, Morgan-Canpner P et al. The epidemiology of measles in England and Wales: rationale for the 1994 national vaccination campaign. Commun Dis Rep CDR Rev 1994; 4(12):141-6
[5] Annuaire statistique de France/ INSEE gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34349577d/date; 
[6] Miller DL. Frequency of complications of Measles, 1963. Brit. Med. J. 164;2: 75-78
[7] Guide des vaccinations 1994. Rougeole, morbidité et couverture vaccinale à 24 mois, page 66
[8] Réseau Sentinelles INSERM U-144 – 1998/2003 dans INSERM. Surveillance de la rougeole en France. Bilan et évolution en vue de l’élimination de la maladie. 2004 (page 20)
[9] Poland GA, Jacobson RM, Thampy AM, Colbourne SA, Wollan PC, Lipsky JJ et al. Measles reimmunization in children seronegative after initial immunization. JAMA 1997; 277(14):1156-8
[10] Dai B, Chen ZH, Liu QC, Wu T, Guo CY, Wang XZ et al. Duration of immunity following immunization with live measles vaccine: 15 years of observation in Zhejiang Province, China. Bull World Health Organ 1991; 69(4):415-23
[11] Demicheli V, Rivetti A, Debalini MG, Di Pietrantonj C. Vaccines for measles, mumps and rubella in children. Cochrane Database Syst Rev. 2012 Feb 15;(2)
[12] Wakefield AJ, Murch SH, Anthony A, et al. (1998)."Ileal-lymphoid-nodular hyperplasia, non-specific colitis, and pervasive developmental disorder in children". Lancet 351 (9103): 637–41. 
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[16] Taylor LE, Swerdfeger AL. et al. Vaccines are not associated with autism: an evidence-based meta-analysis of case-control and cohort studies. Vaccine. 2014 Jun 17;32(29):3623-9
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[24] Lellouche JP. Eradication de la variole. Pédiablog 25.09.2012



6 commentaires:

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    1. Je vous remercie de vos encouragements. Que souhaiteriez-vous voir traiter surtout à propos de ce sujet d'actualité ? Qu'est qui intéresse le public à votre avis autour de ce thème ?

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  2. Bonjour Docteur,
    Tout d'abord, je voulais vous remercier sincèrement pour tous les articles que vous publiez sur ce blog et qui permettent, à nous parents, de prendre des décisions plus éclairées concernant la vaccination de nos enfants.
    Vous vous attachez aux faits et n'entrez pas dans cette dichotomie pro ou anti vaccin qui conduit la plupart du temps à une désinformation, si pénible pour les parents en quête de trouver des éléments de réponses fiables.
    Je me permets, à présent, de vous poser une question sur le vaccin trivalent ROR.
    Mon petit garçon de bientôt 20 mois (gardé par moi à la maison) n'est pas encore vacciné contre la rougeole, les oreillons et la rubéole.
    Il est allergique à l'oeuf (cru seulement) et je me demandais si cela présentait une contre indication à cette vaccination.
    J'ai lu, par ailleurs, que cette vaccination devait être effectuée, si possible, avant l'âge de 24 mois. Pourquoi? Y'a t'il urgence à faire vacciner mon enfant contre la rougeole?
    Merci d'avance pour vos réponses.
    Bien à vous.

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  3. Dominique LE HOUEZEC17 novembre 2018 à 11:44

    Bonjour et merci de cette question intéressante. Le vaccin ROR est un vaccin à virus vivants atténués cultivé sur cellules d'embryons de poulet. Ce milieu de culture est théoriquement susceptible de contenir des traces de blanc d’œuf de façon accidentelle. Le risque est alors de déclencher une réaction allergique immédiate chez un enfant sensible à cette protéine. Ceci est rapporté de façon exceptionnelle et surtout chez les enfants qui ont déjà présenté une réaction allergique intense (œdème de Quincke, choc...) lors du contact alimentaire avec du blanc d’œuf.
    Si votre enfant tolère le blanc d’œuf cuit et si sa manifestation allergique à l’œuf cru s'est simplement manifesté par de troubles digestifs (vomissements...) et/ou une urticaire simple,il n'y a pas de contre-indications à réaliser ce vaccin. Il faut simplement prendre des précautions simples : faire ce vaccin plutôt le matin pour pouvoir surveiller votre enfant les heures suivantes, prévenir le médecin vaccinateur et rester dans la salle d'attente environ une heure pour qu'il puisse intervenir en cas de problèmes, avoir sous la main un sirop anti-histaminique à administrer aussitôt en cas d'urticaire débutante...
    En ce qui concerne par ailleurs la date de cette vaccination, il n'y a effectivement pas d'urgence absolue pour votre enfant s'il est gardé à domicile et en contact avec donc relativement peu de personnes. Le message officiel qui affirme que les deux injections vaccinales doivent être réalisées avant 2 ans est un message de santé publique. Il est plus simple de délivrer un message unique pour toute une population pour qu'il soit suivi, sans prendre en compte les particularités. Dans votre cas, ce vaccin serait à réaliser avant la mise en collectivité (halte-garderie, crèche ou école maternelle. L'efficacité en est d'ailleurs meilleure qu'à 12 mois.

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  4. Merci pour vos articles et votre blog.
    Je vous avais déjà sollicité à 2 ou 3 reprises en 2016 et 2017 et vous avais fait part du malaise post-vaccinal qu'avait fait mon fils, alors agé de 2 mois, 72 h environ après avoir reçu en une fois l'Infanrix hexa, le Prévenar 13 et le Rotarix.
    Pour mémoire, il avait alors été hospitalisé deux semaines et avait subi une batterie d'examens pour dégager des suspicions de méningite, épilepsie...
    J'avais finalement "mené mon enquête" auprès de vous, de la société française de pédiatrie et de Pasteur où j'avais eu une confirmation que ce qui lui était arrivé était probablement lié aux vaccins (en revanche les avis divergeaient sur l'imputabilité: un seul d'entre eux, le combo?)
    Aujourd'hui mon fils a 3 ans et demi. Il n'a eu que les rappels du DTP (que nous avions commandé à l'étranger avec la pédiatre qui le suivait à Pasteur).
    Il est question de lui faire le ROR en hospitalisation de jour ce jeudi. Je dois dire que j'appréhende beaucoup.
    Y a-t-il des précautions particulières à prendre? Sauf erreur, il s'agit d'un vaccin "vivant"? Quels seraient les risques et/ou y a t il des risques supplémentaires, en particulier dans le cas de mon fils? N'y a pas de possibilité d'obtenir le ROR en "séparé"?
    Je vous remercie encore du temps que vous voudrez bien prendre pour me lire, de votre éclairage et de vos conseils. Cordialement

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