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21 mars 2015

CANCER & IMMUNOTHERAPIE

                                      Je ne savais rien de William Coley jusqu'à ces derniers jours. J'ai découvert son existence en lisant un excellent article bref qui dit des choses passionnantes(1). Cet article de Renaud Maridet est intitulé "William B. Coley, le père de l’immunothérapie". Il est présenté ainsi: "Des chercheurs se penchent à nouveau sur l'intuition de ce chirurgien américain de la fin du XIXe siècle, qui avait vu dans les maladies infectieuses un moyen de stimuler le système immunitaire pour le lancer à l'assaut des cellules cancéreuses. Ce traitement avait obtenu de bons résultats, avant de tomber dans l'oubli."





Cherchant à en savoir plus, j'ai acquis la conviction que la découverte de Coley est réellement très importante.

Des gens très compétents le disent comme Sarah DeWeerdt dans la revue " Nature" (2): " William Coley found a way to prompt the immune system to fight cancer over a century ago. After years of neglect, scientists are now seeking to replicate his success." (William Coley a trouvé un moyen pour inciter le système immunitaire à combattre le cancer il y a plus d'un siècle. Après des années de négligence, les scientifiques cherchent maintenant à reproduire sa réussite).

Dans un livre (3) magnifique de fougue, de force, d'exigence et de vie, Eve Ensler (l'auteur des "Monologues du vagin"), évoque ce lien entre infection, immunité et cancer. « Plus tard, le Dr Deb me raconte qu'elle a travaillé avec un neurochirurgien génial, son mentor, qui opérait des tumeurs du cerveau. La plupart de ses patients mouraient. Elle lui a alors demandé pourquoi il avait choisi cette spécialité où il y avait si peu de succès, et il lui a répondu: " Crois-moi, lorsqu'on réussit cela vaut tous les échecs." Cet homme avait compris une chose à partir de ses rares succès: tous les patients qui avaient survécu avaient eu des infections, des abcès dans leurs plaies après l'opération. Il pensait donc qu'en luttant contre l'infection, leur corps finissait aussi par se battre contre le cancer et qu'en réalité les infections pouvaient se révéler un remède (souligné par moi)Je m'accrochais peut-être à des broutilles. Mais j'aime ça les broutilles. Je rentre chez moi et j'embrasse mon abcès. Il me fait un mal de chien, mais il pousse mon système immunitaire à lutter. J'ai besoin de mon abcès »

Lorsqu'on lit l'histoire de William Coley (1862-1936), on est frappé par le fait qu'il s'agit d'un homme (un être humain) qui est ému par la maladie d'une jeune fille (un être humain elle aussi) et qui, parce qu'il est profondément ému, cherche à comprendre. On peut se demander, si on a mauvais esprit, si ce n'est pas le fait que cette histoire soit d'abord une histoire pleine d'humanité, de sentiments, d'émotion et d'intuition et donc si peu conforme à ce que la médecine officielle dominante veut penser d'elle-même qui lui a valu d'être si peu connue.

Ensuite, pendant des dizaines d'années, il va s'obstiner malgré les difficultés, malgré l'hostilité de son chef de service, Ewing (le "père" du sarcome d'Ewing), à poursuivre ses travaux et ses publications (4).

Cette histoire, belle par l'amitié qui unissait le jeune Coley et sa première patiente, avant même qu'elle ne soit malade; belle parce qu'elle nous plonge dans une époque ou l'on mourait de fièvre typhoïde (la mère de William Coley quand il avait 9 ans) et de fièvre puerpérale (l'une de ses tantes); belle car elle concerne aussi celui qui deviendra plus tard l'homme le plus riche du monde, John D. Rockfeller, (qui fondera le premier centre anticancéreux), aurait tout pour faire un best-seller. Mais elle m'interroge surtout sur ce qu'a été et ce qu'est le monde médico-sanitaire.
Dans l'article de Renaud Maridet, on lit des phrases et des hypothèses inquiétantes. Selon l'auteur, "Les recherches du chirurgien tombent pratiquement dans l'oubli". Pour différentes raisons et parmi elles, la découverte de la radiothérapie et de la chimiothérapie, "La chimiothérapie, plus facilement industrialisable(s), et donc sans doute plus profitable(s) pour l'industrie pharmacomédicale. " 

"Le coup de grâce tombe en 1962, quand la Food and Drug Administration (FDA) refuse d'homologuer les toxines de Coley en tant que traitement éprouvé. Elles deviennent donc illégales". On peut se demander rétrospectivement si la FDA était bien informée et si elle a donné son avis en toute indépendance vis-à-vis de l'industrie pharmaco-médicale.

On peut d'autant plus se le demander que Renaud Maridet écrit " Des chercheurs se sont récemment plongés dans les archives de William B. Coley, et se sont aperçus qu'il obtenait au début du XXème siècle des résultats intéressants dans le traitement des sarcomes. Problème : pour conformer l'injection de toxines de Coley aux normes de sécurité actuelles, il faudrait des investissements énormes, que seuls les géants de l'industrie pharmaceutique pourraient consentir".

L'auteur se risque à un pronostic: « William B. Coley risque de devoir patienter un certain temps dans les antichambres de la postérité. »

Ce pronostic a toute chance de se révéler exact si nous ne faisons rien, si nous faisons une confiance absolue aveugle et aphone à la FDA, aux laboratoires pharmaceutiques, aux autorités de santé publique

Ce pronostic sera faux si nous nous informons sur la vie et l'œuvre de William Coley, si nous en parlons entre nous et si nous demandons notamment à la FDA, aux laboratoires pharmaceutiques et aux autorités de santé publique, mais aussi aux enseignants de cancérologie, d'immunologie, de pathologie infectieuse, d'immunologie de santé publique de nous en parler et d'en parler avec nous


Jean-Pierre LELLOUCHE

(1) Renaud Maridet: Vivre - magazine contre le cancer de la ligue contre le cancer. Mars 2015 N° 365, numéro spécial enfants et cancer
(2) Sarah DeWeerdt: Bacteriology: A caring culture. Nature 19 December 2013. 504, S4–S5 
(3) Eve Ensler:  Dans le corps du monde. Septembre 2014. Editions 10/18 
(4)William B. ColeyContribution to the Knowledge of Sarcoma. Ann Surg. 1891 Sep; 14(3): 199–220.

2 commentaires:

  1. FIORENTINO Jean22 mars 2015 à 17:05

    Merci à Lellouche de nous avoir présenté Willam Coley que je ne connaissais pas non plus.
    Dans le dictionnaire Garnier Delamare des termes techniques de médecine, 19ème édition 1976, il est écrit :
    " Coley(méthode de) Traitement des sarcomes par des injections dans la tumeur ou à distance, de cultures stérilisées de prodigiosus ou de streptocoques (certains sarcomes auraient disparu à la suite d'érysipèle)."

    Cette définition me semble assez rapide et je ne sais pas ce qu'est "prodigiosus". Elle s'accompagne d'un certain scepticisme par l'emploi du conditionnel : "certains sarcomes auraient disparu..." Tout se passe comme si les auteurs du dictionnaire considéraient que cette question est à priori sans grande importance.

    C'est d'ailleurs ce que semble confirmer la 30ème édition de ce dictionnaire, en 2009, où ni Coley ni sa méthode ne sont mentionnés.

    Jean FIORENTINO

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  2. GASCON Romuald24 mars 2015 à 00:39

    Lellouche écrit « j' ai acquis la conviction que la découverte de Coley est réellement très importante ».
    Vous n'êtes pas le seul. Heureusement !
    Dans la 7ème édition Dunod 2014 du livre Immunologie le cours de Janis Kuby (traduction sous la direction de Catherine Fridman), on lit page 644:
    L'immunothérapie des cancers: Utiliser le système immunitaire pour lutter contre le cancer n`est pas une idée nouvelle. En 1891, un chirurgien nommé William B. Coley qui opérait des carcinomes osseux a pour la première fois expérimenté cette approche en injectant des bactéries directement dans une tumeur inopérable de l'un de ses patients. Cette époque précédait l`avènement de la chimiothérapie et de la radiothérapie dans le traitement du cancer, les cliniciens avaient alors peu de choix. En se basant sur le succes initial de ce traitement expérimental, Coley et d'autres médecins ont poursuivi cette forme
    d'immunothérapie pendant plusieurs années pour traiter des cancers agressifs en utilisant des bactéries ou produits bactériens qui seront connus sous le nom de " toxines de Coley ". Des rémissions et même l'éradication de tumeurs consécutives à l`utilisation de cette technique ont été publiés. Ils ont néanmoins rencontré un certain scepticisme. Ce traitement a par la suite été remplacé par la
    chimio ou radiothérapie. Néanmoins, il est admis aujourd'hui que les observations de Coley étaient pertinentes. Ses résultats étaient vraisemblablement dus à une stimulation de la réponse immunitaire antitumorale du patient consécutivement à l`infection ou à la présence de produits bactériens immunostimulants.

    Romuald GASCON


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