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10 février 2013

US ET COUTUMES DE L'ALLAITEMENT


L'allaitement maternel a toujours été l'objet de coutumes, traditions et diverses croyances qui peuvent faire rêver, soupirer ou sourire. Elles démontrent à quel point un allaitement réussi a toujours revêtu une grande importance au fil des siècles.   Actuellement,  quelques-unes de ces croyances sont encore vivaces. Mais l’allaitement maternel continue malgré tout de progresser en France depuis quelques dizaines d'années, et ce grâce avant tout aux associations chargées de promouvoir ce mode d'alimentation datant de la nuit des temps





La mythologie grecque évoquait déjà l'importance vitale du lait maternel. Peu de temps après sa naissance, Héraclès (Hercule), fils de Zeus (Jupiter) et donc demi-dieu, est enlevé à sa mère terrienne et placé par Hermès (Mercure) dans le lit d’Héra (Junon) endormie, l'épouse du Dieu des dieux. En effet aucun des fils de Zeus ne pouvait devenir immortel s'il n'avait tété au sein de la déesse. Affamé, le bébé s'approche et commence à téter. Se réveillant, Héra aperçoit l'enfant et indignée, le repousse, répandant le lait divin dans le ciel en une traînée blanchâtre qui est devenue depuis la Voie lactée.


On ne peut passer sous silence la légende de la fondation de Rome. C'est grâce au bon lait de la louve romaine, nourrice improvisée, que les frères jumeaux abandonnés, Romulus et Rémus, fils du Dieu Mars, purent survivre et fonder la cité éternelle. Certains historiens romains moins poétiques expliquent que cette légende cachait une réalité plus terre à terre. Les jumeaux abandonnés et retrouvés par un berger, auraient été confiés pour être allaités à sa compagne, prostituée, surnommée pour cette raison "lupa" (la louve).  

Louis XIV et la Dame Longuet
de La Giraudière
, Charles Beaubrun, 1640.
L'historique de l'allaitement maternel se doit aussi d'évoquer la corporation des nourrices, femmes chargées avant tout de nourrir et d'élever les enfants qu'on leur confiait contre rémunération. L'existence des nourrices est mentionnée dès l'antiquité. Au Moyen Age, on parlait à leur propos d’allaitement "mercenaire". A partir du XVIIème siècle, il était courant de faire appel à une nourrice si la mère ne pouvait pas ou ne souhaitait pas allaiter. Les femmes décédant lors des accouchements étaient encore nombreuses. Par ailleurs, pour la noblesse ou la bourgeoisie, l'allaitement n'était pas à l'honneur et évoquait surtout une animalité que l'on laissait au "bas peuple". 

Les qualités requises pour être une bonne nourrice étaient surtout d'ordre physique. La nourrice idéale devait être bien sûr en bonne santé, plutôt jeune et avec un hygiène minimale, "qu'elle ne sente point mauvais, ni de la bouche, ni des aisselles ni des pieds". Les nourrices brunes avaient meilleure presse "Les meilleures sont celles qui ont le tempérament sanguin et les cheveux noirs". Les femmes rousses étaient par contre exclues car "leur transpiration et leur haleine ont une odeur aigre, leur lait a même odeur et se corrompt aisément". Les fortes femmes font aussi l'objet d'ostracisme car "lorsque la nourrice engraisse, les nourrissons maigrissent". Les seins ne doivent pas être trop gros, "promettant beaucoup mais tenant peu". Il ne doivent aussi être un peu pendants puisque "les durs tétins font les enfants camus" (au nez aplati)(1)

Les filles-mères sont préférées aux nourrices mariées car elles s'attachent plus facilement à la famille qui l'accueille. il est plus facile aussi de surveiller leurs relations car l'activité sexuelle est fortement déconseillée pour la femme qui allaite. "La jouissance, émotion intense, est réputée altérer le lait au même titre que la peur ou la colère" (1) 

Pour s'assurer de la qualité du lait des nourrices, des médecins sont consultés. On estime la bonne qualité du lait en le faisant couler sur l'ongle pour voir s'il n'est "pas trop séreux ni trop épais". On peut même être amené à le goûter. Il est recommandé aux nourrices de boire de la bière qui augmenterait la production lactée, légende encore vivace. "La bière, le café conviendront aux femmes du Nord, le cidre à celles qui viennent de Normandie ou de Picardie" (1)



Le début du XXème siècle vit la disparition progressive des nourrices allaitantes, le dernier "bureau de placement" fermera en 1936. L'allaitement maternel tomba alors en désuétude en France, la plupart des nourrices donnaient déjà d'ailleurs de plus en plus le biberon. On estime qu'à la veille de la première guerre mondiale, 7,5% des enfants placés simplement étaient encore nourris au sein de leur nourrice. Cette mode de l’allaitement artificiel s'accompagnait initialement d'une mortalité infantile majeure liée aux contaminations microbienne et aux laits de vache frelatés. Les progrès de l'hygiène permirent d'améliorer progressivement cette situation  de même que le développement de l'industrialisation fiable du lait artificiel. L’allaitement maternel était tombé en grande désuétude dans l'inconscient collectif, l'enfant allaité par une nourrice était en danger de mort alors que celui qui  recevait du lait artificiel de qualité avait toutes les chances de survivre. La reprise de l'allaitement ne reprit en France que quelques dizaines d'années plus tard, après la seconde guerre mondiale. Et ceci de façon très progressive grâce à l’apparition d'associations de mères allaitantes (Leche League en 1956 aux USA) et de Pédiatres novateurs (Lelong, Minkowski, Lestradet, Marie Thirion) qui avaient su le promouvoir en  démontrant son intérêt immense quant à la santé de l'enfant qui pouvait en bénéficier.

Toutes les femmes qui allaitent ont subi depuis toujours des interdits alimentaires. Sur un livret de famille datant de 1925, on peut lire qu'une mère qui nourrit son enfant fera bien de ne manger que très rarement des légumes et fruits acides (choux, choucroute, tomate, salade, orange, citron) ou des aliments épicés (ail, oignon), aliments qui étaient supposés donner un mauvais goût au lait. Ces interdits sont cependant variables d'un pays à l'autre. Aux Etats Unis, c'est le chocolat qui a mauvaise presse. En Nouvelle-Zélande, il est très mal vu qu'une femme qui donne le sein prenne de la soupe de tomates, le blanc et le rouge ne faisant pas bon ménage. En Italie, il est vivement conseillé d'absorber tous les aliments blancs (pâtes, lait, fromage) et même les boissons blanches comme le vin blanc.

Le souci initial des femmes allaitantes est la baisse de sécrétion lactée. Il existe pourtant des pratiques magiques qui préviennent cela. En région Poitou, on frottait la poitrine de l'accouchée avec le cordon ombilical. Dans le Var, le placenta était enterré sous un figuier pour que le lait puisse être secrété suffisamment.

Une croyance ancienne, datant de la Grèce du médecin Galien, considérait le lait comme du sang blanchi. Il était donc conseillé de laisser jeûner le nouveau-né quelques heures ou quelques jours de peur de mélanger le sang des couches et le lait. 


On observe aussi souvent dans certaines ethnies d'Afrique noire que les femmes qui viennent d'accoucher refusent de donner leur colostrum, prétextant qu'il ne s'agit pas d'un bon lait, malgré toutes les réassurances que l'on peut leur prodiguer. Le colostrum est considéré comme impur et semblable à du pus. Il faut en attendant la montée laiteuse alimenter le nouveau-né au biberon. Ce n'est qu’au bout de 2 ou 3 jours qu'elle acceptent de débuter vraiment leur allaitement et quasiment toujours sans difficultés. 

Au Maghreb, les femmes allaitent d'autant plus facilement que cette alimentation a toujours été une pratique naturelle et traditionnelle. La religion islamique l'encourage de même que les traditions populaires qui affirmeraient que les enfants allaités en deviendraient plus affectueux.

MARFAN Traité de l'allaitement


Dès le développement de la médecine du XXème siècle, les puériculteurs et les pédagogues, pourtant tous de sexe masculin, voulurent imposer leurs principes et montrer aux femmes comment elles devaient allaiter. La "science" se devait de mettre bon ordre et remplacer toutes ces fariboles de bonnes femmes.



Il y a encore une cinquantaine d'année, dans toutes les maternités françaises, la tradition était toujours selon les dogmes médicaux, de laisser se vider de leurs "glaires" et "dégorger" (comme des escargots) les nouveaux-nés durant la première journée. Il était toléré à la rigueur quelques biberons d'eau sucrée pour éviter l'hypoglycémie.  Marfan écrivait déjà auparavant, en 1930, que le nouveau-né "pourra être mis au sein 12 heures après l'accouchement mais qu'il n'y a aucun inconvénient à ne l'y mettre que vers la fin du premier jour" (2). Son collègue Réhin était tout à fait d'accord sur ce principe essentiel :"Pendant les premières heures qui suivent sa naissance, c'est-à-dire pendant douze ou quinze heures, il convient de ne pas se soucier de l'alimentation de l'enfant qui d'ailleurs ne réclame rien" (3).

L'intervalle entre chaque tétée se devait à cette époque d’être fixe, toutes les 3 heures, afin de "régler" l'enfant et chaque tétée limitée dans sa durée. Le bon Dr Réhin écrivait ainsi en 1922 "Il est bon de tracer d'avance un emploi du temps fixant les heures des tétées à laquelle le sein devra être donné et une fois établi il faudra s'y fixer...on habitue ainsi l'enfant à ne pas tourmenter sa famille incessamment, on lui laisse le temps nécessaire à sa digestion". Il était également de bon ton d'avoir chez soi un pèse-bébé afin de peser avant et après et si besoin de le compléter si la quantité absorbée de lait maternel ne paraissait pas suffisante. Dès le retour à la maison le bébé était couché dans son berceau dans une chambre à part. On ne donne qu'une tétée la nuit et pas plus. "Lorsqu'on a acquis la certitude que le cri est dû à un caprice ou à la gourmandise, il faut laisser crier l'enfant" affirme le sage Dr Marfan. On retrouve cet état d'esprit dans la littérature de l'époque (4) : "Les bébés sont des pendules qu’il nous faut régler avant de les remettre à leur mère".  


Dans les années 1970/80, lorsque l'allaitement maternel a enfin repris progressivement auprès des mères l'image d'une nutrition plus saine, simple et naturelle, la médecine moderne triomphante s'est sentie obligée d'y mettre son savoir faire et son grain de sel. 

Malheureusement trop souvent les bienfaits de la puériculture agissaient contre le bon déroulement et la mise en place d'une pratique naturelle qu'il fallait mettre en coupe réglée. Le nouveau-né et sa mère était séparés dès la naissance sans pouvoir bénéficier d'une tétée précoce qui n'avait à l'époque rien d'urgent. Les enfants étaient parqués dans des nurseries où les pleurs et les cris fusaient et les mères devaient demander la permission de simplement reprendre leur enfant. La sortie de la maternité n'était autorisée que si le poids de naissance avait été rattrapé, sans avoir oublié bien sûr de réaliser l'indispensable BCG. 

Dès le retour à la maison, bébé devait être couché dans son berceau, dans sa chambre pour ne pas lui donner de "mauvaise habitudes". Une seule tétée nocturne devait être amplement suffisante. et s'il pleurait, il fallait attendre l'heure, il se "faisait les poumons", c'était bien connu. Ne pas trop le prendre dans les bras non plus, car cela "le rendrait capricieux". Si le bébé ne grossissait pas assez, il fallait pratiquer la double pesée afin d'estimer au gramme près ce que l'enfant avait vraiment absorbé (alors que l'on soit que la quantité bue à chaque tétée est éminemment variable d'un enfant à l'autre et chez le même enfant d'une tétée à l'autre). Les compléments au biberon arrivaient trop vite par méconnaissance et facilité prescrits para des médecins qui n'avaient jamais eu de formation lors de leur études sur la physiologie de l'allaitement. Et puis les laboratoires avaient mis au point des laits en poudre qu'ils qualifiaient de "maternisés" ou "d'humanisés", c’était donc qu'il n'y avait pas de grosse différence. On n'hésitait pas, pour faire encore plus scientifique,  à faire analyser le lait en laboratoire sans avoir compris que sa composition était variable au fil des jours et au cours même de la tétée (lait gras de fin de tétée). Combien d'allaitements ont aussi été sabordés "grâce" au chauffage du lait afin de dénaturer je ne sais quelle molécule responsable de ces ictères prolongés au lait maternel ?



Le sevrage de l'allaitement et la diversification de l’alimentation ont donné lieu à bien des discussions et des diktats qui ne sont d'ailleurs pas terminés.  Ecoutons ce que nous rappelaient en 1998 avec beaucoup de clairvoyance Geneviève Delaisi de Parseval et Suzanne Lallemand :  "La caractéristique la plus frappante de la période qui va de la fin du siècle dernier à nos jours est la diminution régulière, uniforme, de la durée de l’allaitement, ou de la nourriture exclusivement lactée. Le sevrage s’effectue de plus en plus tôt, sans dissension apparente du corps médical, sans retour en arrière. Et les mêmes raisons sont avancées, le même vocabulaire est employé pour justifier des pratiques, certes convergentes, mais qui offrent de très spectaculaires écarts sur le plan temporel. Ainsi, les pédagogues insistent sur l’aspect nécessairement progressif du sevrage : il doit durer trois mois en 1956, et... huit jours en 1978 pour Laurence Pernoud. De même, le critère de l’introduction de l’alimentation "solide" est toujours identique : à un certain moment, le lait ne "profite" plus suffisamment à l’enfant, son développement se ralentit; mais cela se produit à huit mois en 1937, et à quatre mois en 1965." (5)


Les experts pédiatres nutritionnistes actuels ont pour l'instant décidé que l'allaitement maternel exclusif ne devait pas excéder la barrière fatidique des 6 mois et que la diversification était ensuite obligatoire sous peine de carences. Cette recommandation Européenne n'est cependant pas la même sur les cinq continents où l'on voit ailleurs des sevrages survenir de façon beaucoup plus tardive sans que les enfants n'y aient rien à redire.  


Les mêmes experts nous ont toujours dit haut et fort qu'il fallait, selon le dogme de l'éviction, diversifier tardivement l’alimentation (jamais avant 6 mois) et retarder le plus possible l'introduction des aliments les plus allergisants (oeufs, kiwi, cèleri, arachide...) et ne pas donner trop tôt de céréales pour éviter l'intolérance au gluten. A présent ce discours change et l'on nous dit qu'au contraire, il faudrait profiter d'une "fenêtre de tolérance" débutant à partir de 4 mois, date à partir de laquelle, on doit dès lors introduire du neuf. 


La religion bien sûr, s'est aussi mêlée de ces croyances populaires tournant autour de l'allaitement. De nombreuses églises d'Europe conservent ce que l'on nomme du "lait de Vierge", poussière blanchâtre qui est une sorte de craie, appelée galactite. Celle-ci provient d'une église de Bethléem où une grotte aurait caché, suivant la tradition, la sainte Vierge et l'Enfant-Jésus. La terre de cette grotte est naturellement rouge mais après avoir été réduite en poussière, lavée et séchée au soleil, elle devient blanche comme la neige, puis mêlée avec de l'eau, elle ressemble parfaitement à du lait.  Elle devient alors une potion salutaire pour les femmes qui ont des difficultés à nourrir leur enfant (6). Des pèlerinages à la Vierge Marie ont été organisés jusqu'au XIXème siècle dans ces églises. Sainte Agathe (patronne des nourrices) a également été souvent sollicitée dans ce but de même que Sainte Martine et Sainte Barbe, toutes saintes qui avaient eu les seins coupés et n'auraient alors saigné que du lait. Jusqu'au XVIIème siècle, dans le couches populaires, l'enfant n'était pas nourri avant son baptême (2ème ou 3ème jour) de peur qu'il ne ne tête avec le lait un maléfice mortel. Il fallait attendre qu'il puisse être protégé par le saint dont il portait le nom. 


Nombre de ces traditions anciennes continuent de se perpétuer encore au fil des générations. Les interdits alimentaires ont la vie dure de même que la valeur ajoutée de la bière (sans alcool) pour stimuler la sécrétion lactée ou de plantes diverses et variées (fenouil. anis, basilic, chardon...). Des tisanes (la fameuse "Calmosine") sont encore prescrites dans des Maternités ou des Pharmacies pour calmer (comme son nom l'indique bien) les "coliques" redoutées de tous les parents. Des fantasmes sont encore bien présents dans l'air du temps comme  la peur du lait "pas assez riche", du lait "trop clair" (alors que les problèmes d'insuffisance lactée sont dus à une question de quantité de lait secrétée et bien sur pas de qualité). En cas de fièvre maternelle, peur de contamination de l'enfant et risque médical de l'ordre d'un arrêt immédiat de l'allaitement (alors que toute maladie infectieuse maternelle est l'occasion d'une sécrétion d'anticorps dont une partie passe directement chez son enfant via le lait maternel et en empêche habituellement la contamination). La moindre rougeur du sein devenu sensible risque de faire croire à l'annonce de l'abcès du sein de la part de médecins peu informés et de prescrire l'antibiotique et l’arrêt de l'allaitement immédiat pour un simple engorgement mammaire ou au pire une lymphangite pour lesquelles il faut au contraire favoriser l'évacuation de seins. 






Heureusement, le développement des associations de mères allaitantes ou ayant allaité se sont multipliées en France à la suite de l'apparition de la maison mère américaine, la Leche League (1956). Elles se sont  actuellement regroupées au sein de la CoFAM (2000). Ces associations ont joué un rôle majeur dans la reconnaissance et l'information pour une pratique sereine de l'allaitement. L'OMS a joué aussi un rôle important en édictant sa déclaration commune OMS/UNICEF (1989) définissant les dix conditions nécessaires à la réussite d'un allaitement maternel. En France ces conditions ont été formalisées par la CoFAM qui a institué le label "Hopital ami des bébés". Les laboratoires producteurs de lait artificiel ont dû se soumettre à un code international de commercialisation des substituts du lait maternel rédigé par l'OMS (1981) avec une spécificité européenne définie par la Directive européenne 2006/141/CE (2006).
 Les autorités sanitaires ont fini par participer à cette promotion de l'allaitement incluse dans le PNNS (Plan national nutrition santé) et par le biais de recommandations officielles, ANAES devenue la HAS (Haute autorité de santé) ainsi que celles  des instances pédiatriques officelles,  SFP (Société française de pédiatrie).


Certaines féministes françaises égalitaires jouent les troubles fêtes depuis les écrits de Simone de Beauvoir qui voyait dans la maternité un espace de domination masculine, "un esclavage dont les femmes doivent se libérer", et dans l'allaitement "une servitude épuisante". Elisabeth Badinter (7) s'est faite depuis la porte-parole de ce mouvement contestataire contre "les super-mamans écolos" qui allaitent des mois, en s'arrêtant de travailler et menaceraient par là la liberté des femmes. 


Ce choix d’allaiter son enfant cependant a toujours été et reste une décision personnelle pour chaque femme. Personne ne peut et ne pourra obliger une femme à allaiter. L'expérience permet parfois de rencontrer en maternité des mères qui allaitent non pas du fait d'un véritable désir mais plus par devoir car on leur a dit que c'était mieux pour leur bébé. Ces allaitement non vraiment consentis ne durent habituellement que quelques heures ou quelques jours malgré les conseils et la bienveillance du personnel soignant. Les revendications égalitaires de ces féministes est globalement juste et justifié au sein de notre société encore très discriminatoire. Cependant en ce qui concerne la dénonciation du choix de l’allaitement et de la pression morale ou sociétale qui accompagnerait ce choix, elle se trompent de cible. Il ne s'agit là que d'une posture maladroite et revancharde qui se trompe d'objectif. Lorsqu'elle dénoncent ce qu'elle appellent la mode de l'allaitement en forçant et en noircissant le trait, elles ne représentent qu'elles mêmes. La maternité et l'allaitement sont bien évidemment des fonctions spécifiquement féminines qu'il faut protéger et non pas dénigrer, même si elles ne sont pas un passage obligatoire pour chaque femme.


Une grande majorité des femmes ne semblent en effet pas vivre leur allaitement dans cet état d'esprit de mode, d'aliénation et de corvée. Elle paraissent plutôt rechercher par là une nourriture plus saine pour leur enfant, prolonger le corps à corps des 9 mois de la grossesse par l'infusion d'un nutriment qui les conforte et les construit dans leur rôle de mère "suffisamment bonne". Certaines y voient aussi une reconquête de leur corps de femme et y acquièrent l'image de la femme accomplie. Marie Thirion résume tout cela  sous le terme de "jardin des délices". 



Dominique LE HOUEZEC



(1) M.C. DELAHAYE "Tétons et tétines, histoire de l’allaitement" Ed. Trame Way, Paris 1990
(2) A.B. MARFAN. "Traité de l'allaitement maternel et de l'alimentation des enfants du premeir âge". 1930
(3) REHIN. "Nouvelle encyclopédie de médecine et d'hygiène". Quillet 1922
(4) M. Mc CARTHY. "Le groupe". Gallimard 1983
(5) G.Delaisi de Parseval et S. Lallemand "L’art d’accommoder les bébés, 100 ans de recettes françaises de puériculture". Le Seuil 1979
(6) Reliques du Saint lait 
(7) E.BADINTER. Le Conflit. La femme et la mère. Flammarion 2010


2 commentaires:

  1. DELAVARENNE Nathalie3 mars 2013 à 18:25

    Je viens de lire votre excellent article sur Pediablog "Us et coutumes de l'allaitement". Merci pour toutes ces informations : je vais m'empresser de partager cette page.

    Par ailleurs, êtes-vous au courant de cette initiative ?
    https://sites.google.com/site/droitausoutienpourlallaitement/home

    Il s'agit de demander à Mme le Ministre de la santé un temps de formation supérieur sur le sujet de l'allaitement maternel pendant la formation continue des soignants et praticiens en contact avec les mères allaitantes. Une initiative de parents et de professionnels de la santé ayant pour unique objectif de permettre aux mères d'être accompagnées dans leur projet d'allaitement, quel qu'il soit.

    Merci encore pour votre article,

    Nathalie DELAVARENNE

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  2. Bonjour et merci de votre message. J'ai grand plaisir à constater que la promotion de l'allaitement maternel puisse être diffusé le plus largement possible

    Je ne connais par ailleurs pas l'initiative que vous me signalez mais je signerai bien volontiers cette demande.

    Il est certain que l'allaitement maternel n'est que très peu enseigné lors de nos études médicales (si ce n'est pour parler de sa composition au milligramme près et la comparer à celle du lait de vache...). Je m'étais moi-même formé il y une vingtaine d'année, avec l'un de mes collègues, lors de deux journées organisées par le Leche League (où les hommes se comptaient sur les doigts des deux mains..).

    Lors de cet enseignement destiné aux professionnel de santé, ce n'est pas tant sa quantité qu'il faudrait modifier mais sa qualité. Ce n'est pas à un homme, même étant un éminent Professeur de Pédiatrie et/ou de Nutrition, d'enseigner cette matière. Ce devrait être à une femme (médecin ou non) qui a elle même allaité et qui a suivi une formation de consultante en lactation. Il conviendrait également de distribuer à tous les futurs médecins et professionnels de la petite enfance le guide de allaitement maternel rédigé par l'INPES qui est très satisfaisant et accessible gratuitement : www.­inpes.­sante.­fr/­30000/­pdf/­0910_allaitement­/­Guide_allaitemen­t_web.­pdf

    Le second élément principal dans la réussite de l'allaitement, c'est une information suffisante des femmes enceintes lors des réunions de préparation à l’accouchement. La décision d’allaiter ne se prend pas à la naissance, sur un coup de dés. C'est un décision mûrie dès que le désir d'enfant s'est concrétisé et que l'image du "bébé imaginaire" est en formation dans le psychisme de la future mère.

    D'une manière générale, il conviendrait qu'il y ait un lobbying des associations (Leche League, COFAM...) auprès des Députés afin d'établir un congé post-natal beaucoup plus long qu'actuellement (ce qui permettrait aux mères qui allaitent de ne pas se donner une échéance trop brève pour assumer ce projet), voire d'y faire suivre un congé post-natal facultatif, rémunéré à mi-salaire sur quelques mois, qui laisserait la possibilité à celles qui le peuvent de prolonger les bénéfices alimentaires, immunitaire et psychologiques de ce mode d’alimentation pour lequel la France est le mauvais élève de l'Europe.

    Très cordialement

    Dominique Le Houézec

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